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Textes du compositeur


- Création

Quel est le sens du mot création ? Si l’on se réfère à la Bible, et ce sans vouloir entrer dans des considérations théologiques, Dieu créa à partir de rien ; c’est à dire du néant. Il serait donc possible de rattacher l’idée de création à l’idée « du vide au commencement ». Ce « vide » auquel un créateur peut être confronté à la genèse de chacune de ses œuvres. La notion de création est-elle propre au domaine des arts ? N’est-elle pas également applicable à d’autres domaines ? Prenons par exemple le cas d’un artisan qui pétrit son argile avec savoir-faire pour réaliser des poteries, d’un menuisier qui travaille son bois avec minutie ou bien d’un luthier qui construit des instruments de musiques avec amour et passion. Tout cela n’est-il pas acte de création ? Oui, à l’évidence. Mais, ces « œuvres », sans aucun doute conçues avec goût, ont tout d’abord une dimension utilitaire et sont réalisées à des fins économiques. La création dans l’art est, elle, dénuée de toute notion d’utilité et de rentabilité (ceci reste bien sûr tout à fait discutable de par un fort développement du marché de l’art), elle est avant tout le moyen d’expression de l’artiste où seule prime l’esthétique.

Dans le domaine de la musique, qui est l’art du temps et des sons, la création d’une pièce, d’une œuvre passe par un bon nombre d’étapes avant de voir le jour. Le compositeur, comme tout artiste vit avec son propre imaginaire qu’il entretient et nourrit au quotidien. Cet imaginaire se doit d’être sans limites, sans barrières pour pouvoir aborder et mener au mieux la conception d’une œuvre nouvelle. Il n’existe d’ailleurs pas une seule manière d’appréhender celle-ci. La ou les idées génératrices de l’oeuvre qui sont à la source même de l’acte de création peuvent être de natures très diverses. Celles-ci sont parfois d’ordre sonore (images mentales concrètes ou plus abstraites d’un son), temporel (rapports de durée dans certaines proportions), spatial (éclatement de l’espace scénique), formel (conception d’une architecture complexe), gestuel (geste instrumental, figure), poétique (un mot, une phrase, un titre), narrative (scénario ou synopsis), conceptuel (approche mathématique, scientifique)… Ces idées dépendent très souvent des recherches, des envies, des préoccupations et des obsessions du moment chez le compositeur. Elles lui donnent un angle d’attaque, une possibilité de chemin à suivre ; chemin souvent sinueux pouvant bifurquer à chaque instant. La question qui se pose ensuite va être celle de la réalisation de l’idée. Pour cela le compositeur dispose d’une technique et d’un savoir-faire qui vont lui permettre l’utilisation de « systèmes » d’écriture préexistants, ou la mise au point de nouveaux systèmes élaborés pour l’occasion. L’important va être de trouver le « bon système » (qui peut d’ailleurs parfois ne pas en être un) qui servira au mieux l’idée. L ‘écriture de cette idée peut passer par différents stades ; tout d’abord par une représentation graphique de formes, de masses, de volumes et même de couleurs représentant divers états de celle-ci. Ces idées graphiques (pouvant représenter un moment de l’œuvre) sont ensuite reportées et « traduites » sur du papier musique sous forme de notes ou de signes. Le choix des hauteurs, des durées, des dynamiques et des timbres s’affinent peu à peu à cette étape de l’écriture. Une première mise à plat de l’idée sur la partition peut arriver à ce stade-là. Une nouvelle section, une nouvelle situation est donc prête à naître. Le compositeur peut procéder ainsi pour les divers moments de l’œuvre qu’il devra organiser les uns par rapport aux autres en les juxtaposant, les superposant et en les rendant cohérant au contexte afin de trouver le juste équilibre à des fins purement musicales.

La création d’une œuvre n’est pas seulement due au compositeur. Elle naît certes dans son esprit ; mais elle doit, avant d’exister dans le monde physique, passer par plusieurs étapes. Il existe une véritable « chaîne » de la création. L’œuvre ne vit, au départ, que dans l’imagination du compositeur, et se crée au fur et à mesure de sa propre élaboration. Elle reste à ce stade dans une forme d’abstraction. Après la phase d’écriture, et la partition terminée, le chef d’orchestre doit travailler, comprendre et s’approprier l’univers du compositeur pour que, lors de la première lecture de la partition, l’orchestre puisse saisir et restituer de la manière la plus fidèle qu’il soit l’idée du compositeur. Ces différents maillons sont indispensables à la naissance d’une œuvre. Dans ce cas précis, la création reste une « entreprise » collective, un véritable travail d’équipe où chacun a son rôle à jouer pour un même et unique but… La musique !

Yann Robin

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